
Histoire du château de Montfan

MONTFAN – Lieu sacré gaulois, où le culte druidique était célébré ; maintenu lieu sacré à l’époque gallo-romaine, à ce moment, un temple est élevé sur la butte, de là, le nom de MONTE-FANUM (Le Mont du Temple),qui, par altération dans la langue locale, est devenu MONTFAN.Lieu fortifié dès les premières années qui suivent la mort de Charlemagne (814) ; temps pénibles et durs – les successeurs du grand Empereur sont : Louis le Débonnaire, Charles le Simple, princes faibles. L’anarchie, le pillage, la famine, le brigandage sont de tous les jours ; alors, en l’espace d’une cinquantaine d’années, la Gaule va se couvrir de postes de refuge et sûreté : 45 000, presqu’autant que de paroisses dans cette Gaule déjà très chrétienne. Dans ces enceintes, l’on rentrera le bétail et les humains, dès qu’une bande de pillards est signalée. L’on y mettra aussi les grains, dès la moisson. C’est la survie, cela durera 250 à 300 ans, jusqu’à ce que les capétiens soient élus (987) à la mort du dernier carolingien, et par leur amour profond du pays, leurs édits ordonnant la pendaison de tout être pris en état de pillage et brigandage – cela prendra du temps.

Très tôt, à l’intérieur de l’enceinte de Montfan, l’on va construire un poste de chauffage pour les quelques hommes qui veilleront, c’est la cheminée romane, qui furent plusieurs milliers en France et dont il ne subsiste que deux exemplaires, l’un à l’Abbaye de FONTEVRAULT (20 kms au sud de SAUMUR), et le nôtre. Bientôt après, l’on construira une partie forte, à la rencontre de deux courtines, à angle droit, point toujours très vulnérable. Cette partie forte sera dotée d’un pont-levis dont nous voyons les traces à l’intérieur des bâtiments. Subsistent aussi les archères, côté cour intérieure et côtés extérieurs – quelque hour et traces de hours, quelque crénelage. |
Dès le XIIIème siècle, Montfan ne sert plus de poste refuge, les rois capétiens ont rétabli la paix par une organisation très hiérarchisée. Ils emmènent leur chevalerie délivrer le Saint-Sépulcre, et par là même stopper pour des siècles la progression musulmane. Montfan demeure habité mais n’est plus entretenu en tant que place forte. La guerre de cent ans passe sans dommage en Bourbonnais, qui à cette époque est géré par les descendants du sixième fils de Saint-Louis – les Bourbons, ce sont : Charles de Bourbon, Louis II de Bourbon, princes très aimés |

Mais le siècle suivant, la France est ensanglantée et ravagée par les guerres de religion. Montfan est occupé par un groupe de Huguenots et le 8 Mai 1545, le Gouverneur du Bourbonnais Gilbert de CHAZERON vient au nom du Roi assiéger la place – avec quelques pièces d’artillerie- n’ayant pu attaquer le donjon par le Nord ( les chevaux n’ont pas pu monter sur les pentes trop raides), effondre la défense et la courtine du sud. Montfan n’est plus alors une place de résistance, les Hugenots s’en vont. Dès 1548 la famille de PESCHIN (qui durant plusieurs générations donne des capitaines d’arme à SAINT POURCAIN) recouvre ce qui subsiste. Leurs successeurs tâchent de maintenir hors d’eau le principal. |
Montfan était paroisse et commune jusqu’en 1830. A cette époque d’industrialisation, c’est le grand exode vers les villes et il n’y a plus à Montfan le quorum nécessaire au fonctionnement d’un Conseil Municipal. Montfan est rattaché à LOUCHY. |
Situation
Montfand est situé à 1 km au nord du bourg

Une légende du château de Montfand d’après le docteur Piquand
Durant la deuxième moitié du XVIe siècle, Billy était gouverné par un jeune châtelain que le prieur de Saint-Pourçain avait fiancé à une riche et belle héritière du voisinage : la damoiselle ayant perdu ses parents dut se retirer chez son oncle et tuteur, le sire de Monphand, qui s’empara de ses biens et parut peu désireux de la marier. Ce seigneur avait fort mauvaise réputation, on racontait qu’il avait fait un pacte avec le Diable, et qu’il entretenait une bande de routiers moitié soldats, moitié brigands, qui étaient la terreur de tout le pays.
Dès le début il avait embrassé la religion réformée, et on disait que c’était moins par conviction que pour avoir un prétexte de molester ses voisins, et de piller les biens des églises et des monastères.
Après avoir patienté quelques mois, le sire de Billy envoya un message au château de Monphand pour demander quand il pourrait voir sa fiancée et fixer la date de leur mariage. Son ambassadeur fut fort mal reçu, le sire de Monphand ne lui permit même pas d’entrer dans le château et le chargea d’avertir son maître que sa pupille, ayant embrassé la religion nouvelle, ne pouvait songer à épouser un homme qui ne professait pas la même foi ; il engageait donc le dit messager à déguerpir au plus vite et à se garder de revenir s’il ne voulait pas s’exposer aux pires dangers.
Bien marri fut le pauvre sire de Billy, il pensait bien que sa fiancée n’était pour rien dans l’affront qu’on lui faisait, mais avant de décider il aurait bien voulu en avoir la certitude. Un matin il assembla ses serviteurs et leur dit :
« Mes amis, les attaques et les pillages de nos voisins nous obligent à rester dans nos murailles, portes fermées et pont levé ; les pauvres hommes de nos campagnes sont maltraités chaque jour, nos moissons, nos vergers, nos étables sont pillés ; si on les laisse faire, les soudards vont tout détruire et tout brûler. Il faut que cela cesse et que nous nous défendions ; mais avant je veux revoir la blanche et gente amie que le vieux prieur de Saint-Pourçain a fiancée avec moi. C’est la nièce du maître de Monphand, notre méchant voisin ce vieux loup qui ne craint pas de venir chaque jour, à notre barbe, prendre sa goulée sur nos terres. Son château est gardé par les diables plutôt que par les chrétiens ; Ils sont plus nombreux que les
oiseaux, plus cruels que les loups de nos bois ; mais sa nièce, ma gente amie, est un ange du paradis qui ignore ses mauvais desseins, et je veux lui envoyer un message d’amour. Pour porter ce message à Monphand il faut passer rivières et précipices, franchir pont-levis, fossés et grilles, et pénétrer au fond du château pour parler à la demoiselle même. Qui veut s’en charger ? »
Un jeune valet se lève, un gars de dix-huit ans à la moustache blondine et aux yeux aussi brillants que la flamme :
« Messire, baillez-moi votre message et la dague pour le défendre. Votre mère nourrice était ma propre mère, la même main nous a bercé aux mêmes chansons et je suis prêt s’il le faut à répandre mon sang pour votre service. – Tiens donc mon ami, le cœur me saigne de te voir partir, mais si tu réussis je te fais lieutenant de mes gens d’armes, et te donne une chaîne d’or plus longue et plus grosse que le chapelet des moines de Saint-Pourçain ».
Après avoir longtemps marché le valet arrive au bord de la Sioule où il trouve un vieux paysan tout effaré :
« L’ami, dit-il, y a-t-il un gué où je puisse passer la rivière sans rencontrer ceux de Monphand ? »
Le paysan s’enfuit sans répondre, « Que le Diable te pende, pense le valet, mais bah, je saurai bien trouver un gué tout seul ».
Après quelques recherches il passe hardiment la Sioule sur un arbre que le courant avait couché et, tout en marchant avec précaution, il songe comment il pourra, trompant la surveillance des gardes, aborder le château et trouver la demoiselle.
« Halte-là ! crient les gens de Monphand cachés au creux du chemin. Où va ce beau valet ? Qu’il nous dise quel message il semble cacher.
– Si Monphand veut le voir qu’il vienne le lire au bout de ma lance », dit le messager en renversant le premier qui se présente, puis il s’enfuit en déchirant son message en mille morceaux qu’emporte le vent.
Hélas ! Les flèches volent ! Il tombe blessé, couvert de sueur et de sang, et les gens de Monphand l’emmènent à grand bruit dans leur château.
Ils arrivent au pied de la colline escarpée à laquelle on ne peut accéder que par un escalier de pierre si long et si raide, que seuls les Titans ou les Druides ont pu le construire. En haut, le pont-levis s’abaisse et mène à deux portes, l’une extérieure, étroite et extrêmement basse, l’autre située entre deux tours, recouvertes de grosses bandes de fer, et hérissée de clous tellement multipliés que le bois peut à peine s’apercevoir.
Au bruit arrive le farouche seigneur de Monphand : il accourt, roulant des yeux de feu sous une chevelure hérissée, brandissant un grand sabre et faisant résonner tout le château de ses imprécations :
« Un homme de Billy ici ! Espion maladroit, tu viens chercher la corde et la potence, tu les auras ».
Une noble demoiselle, une blonde jeune fille paraît, elle se jette à genoux, supplie son oncle et retient la main qui montrait la corde et le bourreau.
Alors d’une voix triste et lente le frère de lait du comte de Billy dit au seigneur de Monphand :
« Puisque le Dieu a envoyé la noble damoiselle que je cherchais, voilà le message de mon maître et seigneur : il réclame sa douce fiancée, et veut savoir si c’est de son plein gré et avec son assentiment que vous avez rompu les engagements qu’ils avaient pris devant le vieux prieur de Saint-Pourçain.
-Tais-toi, maudit valet, interrompt le farouche seigneur, un mot de plus et je te fais clouer comme un milan à la porte d’une grange ».
La demoiselle, plus pâle que la fleur des blés, se laisse choir en pâmoison, et l’on entend la trompette sonner au pont-levis…
« Aux armes ! Monphand ! Monphand ! »
Tous se précipitent, mais trop tard : le sire de Billy suivi de ses soldats a profité de ce que le pont-levis était baissé, il a forcé la porte, sabré les sentinelles. Il entre et se précipite pour relever sa fiancée, puis tandis que ses hommes d’armes attachent les mains du sire de Monphand il dit
à son frère de lait :
« Merci mon fidèle serviteur, je te ferai chevalier et pour écharpe ma mie te passera au cou la chaîne d’or que tu as gagnée ».
Le vaillant châtelain a épousé sa belle fiancée, mais il ne jouit pas longtemps de son triomphe ; quelques années après, en 1576, une armée protestante commandée par Henri de Condé et par le fils de l’Electeur de Bavière s’empara de Billy et saccagea le château qui ne fut jamais habité depuis.
(Docteur Piquand)